KVS

Une journée dans la vie de Mrs Dalloway

Michael De Cock engage une collaboration avec Carme Portaceli du Teatro Español pour le spectacle Mrs Dalloway. Pourquoi Mrs Dalloway ? Et pourquoi le Teatro Español ? Dans cette interview, Michael De Cock s’étend sur cette collaboration particulière au-delà des frontières nationales. Il partage aussi l’intérêt qu’il porte à la littérature de Virginia Woolf et à son roman moderne Mrs Dalloway.

Qu’est-ce qui vous a conduits, Carme Portaceli et vous, à Viriginia Woolf ?

Michael De Cock: Ces dernières années, nous avons établi avec le KVS de très nombreux contacts internationaux. C’est ainsi qu’est née une très chouette relation entre le Teatro Español et le KVS. Le directeur artistique Carme Portaceli et moi suivons ce qui se fait dans nos théâtres respectifs et nous échangeons beaucoup d’informations sur ce qu’un théâtre municipal peut représenter dans une grande capitale européenne au XXIe siècle. Nous avons de longs entretiens sur l’art, le théâtre et la littérature. Et aussi sur l’écriture qui propose les meilleures solutions pour les questions de notre époque. C’est au cours d’un de ces entretiens que nous nous sommes arrêtés à Virginia Woolf et à notre amour commun pour son œuvre.

Quelle est la raison qui vous a fait précisément choisir Mrs Dalloway ?

Je m’intéresse énormément à la vie non-vécue que nous connaissons tous. Que se serait-il passé si nous avions agi différemment à tel ou autre moment ? Serions-nous des personnes différentes ? Sommes-nous maîtres des choix que nous faisons ou sont-ce plutôt les choix qui nous façonnent ? C’est un thème que l’on retrouve aussi souvent chez des auteurs comme Tchékhov (qui n’est pas par hasard un contemporain de Virginia Woolf) et dans l’œuvre de Jaco Van Dormael. Dans le film Achter de wolken (Derrière les nuages), je me suis demandé ce que vaut aujourd’hui l’amour qu’on a ressenti quand on avait dix-huit ans. Est-il possible de renouer avec ? Fait-on le choix de la passion absolue dans la vie ou plutôt celui d’un bonheur plus tranquille et plus stable ? S’agit-il d’ailleurs d’un choix ?

Pour moi, Mrs Dalloway éprouve un désir immense d’être-ensemble, secondé subrepticement par la conscience qu’il est condamné à l’échec. Tout au fond de nous-mêmes, nous serons toujours solitaires. Cela, et puis de s’accepter soi-même, pour ce que l’on est… C’est de cela qu’il s’agit.

Pourquoi collaborer avec le Teatro Español pour cette production ?

Collaborer avec des partenaires qui partagent les mêmes points de vue est extrêmement instructif et utile. Un des objectifs ou une ambition du KVS est l’internationalisation. Et nous y parvenons toujours mieux… Nos visages du KVS jouent dans le monde entier et nous nous engageons dans beaucoup de collaborations fort intéressantes. Mais pas avec n’importe qui ! Nos choix sont très conscients et sélectifs. Le Teatro Español est un théâtre fantastique, aussi bien par son bâtiment, que par l’endroit où il se trouve et son histoire. C’est un des théâtres les plus anciens d’Europe et d’Espagne. En plus, l’Espagne est un pays fascinant qui est en pleine transition. Les thèmes en cours chez nous, sont également présents chez eux, bien que le contexte soit différent. Ce qui rend une collaboration très instructive.

Pourquoi ne peut-on pas rater ce spectacle ?

Pour des milliers de raisons. Parce qu’il s’agit d’une collaboration à haut risque, parce que les acteurs sont formidables (Blanca Portillo a joué un des rôles principaux dans Volver d’Almodóvar) et parce que la pièce – qui sait ? – incite les gens à lire un jour un livre de Virginia Woolf.